Les Larmes D’Allah

 

 

Les contes, les légendes disent les portes, décrivent les chemins qui  mènent à la lumière. Pourtant la souffrance coule toujours comme les rivières d’un désespoir sans solution et ce monde sans amour roule vers l’inévitable sans avoir ouvert la porte…

 

Quel langage  comprendrons-nous ?

 

Comment laverons-nous nos corps pour naître de nouveau ?

 

Ceci n'est écrit nulle part si ce n’est au plus profond du cœur.

 

 

 

Ouvrez vos oreilles et entendez…

 

 

   

 

Il y a très, très longtemps, au début de l’humanité, Satan lança une malédiction :

 

Ton prochain n’aimeras pas

Ta vie rêveras

Hypocrisie cultiveras

Relation imagineras

Tu seras seul

Mourras sans âme

Sans amour

Sans lumière

Sans foi

Sans frère

Ni espoir

 

Pourtant une vieille légende de derrière les fagots nous raconte l’histoire de deux êtres que tout oppose. Ils  s’aimèrent d’un amour invincible jusqu’aux portes du paradis.

 Ce paradis qui existe sur terre et réconcilie tous les contraires et fait de chaque geste, chaque mot, chaque souffrance, une bénédiction vivante, vibrante d’amour.

 

 

Comment pouvez vous être ingrat envers Dieu,

Vous qui étiez mort et à qui il a rendu la vie,

Qui vous fera mourir, qui plus tard vous fera revivre de nouveau,

Et auprès duquel vous retournerez un jour.                                

                                

Le Coran. Sourate 2.26

 

Il y a bien des vies passées, quand il n’y avait ni bruit, ni fumée, quand l’air avait l’odeur grisante de la vie, les chants des oiseaux embaumaient les forets, les montagnes, les prairies vertes comme l’émeraude, quand l’harmonie de la nature nourrissait chaque être vivant et qu’aucun sang n’avait jamais coulé, naissait comme deux fleures fragiles l’aube d’un amour qui changea bien des siècles après le cours de l’humanité et son destin irréversible…

Les êtres vivaient au rythme protecteur de Dame Nature. Ils utilisaient ses dons pour nourrire cette présence de vie qu’elle accordait à chacun. La pensée,  le corps, le sentiment dansaient au chant des saisons et rien ne semblait altérer cette majestueuse beauté essentielle.

Au flanc de la montagne, sur ses flancs protecteurs où les cavernes, les plateaux faisaient office de maison, de terrains de jeux, jouaient deux enfants. L’un s’appelait Raïta : ce qui voulait dire fille du soleil. Son sourire angélique, son innocence lumineuse rayonnaient comme un présent contagieux. L’autre s’appelait Amenossé. Cela signifiait : naîtra du dedans. Ses yeux étaient le miroir d’un monde mystérieux, par encore né mais qui étrangement rassuraient, appelait.

Ils étaient frère et sœur. Leur complicité, leur joie de vivre arrêtaient le temps pour en faire l’éternité. Sans image, sans mot, cet Eden des premiers âges durerait toujours. Et pourtant au-delà des forets, dans les terres arides quand la vie devient épreuve, la première guerre, la première fumée se leva jusqu’au ciel.  

 

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Par delà les univers, les mots, les silences, les douleurs, tout ce qui fait les mondes, le créateur uni-êtrique tout embrassant réfléchissait à sa création :

«  J’ai créé le monde, les galaxies, les étoiles et les planètes, les êtres qui les habitent ; tout semble parfait. Pourtant un facteur imprévu vient de se déclarer : le temps qui passe et use. Le temps n’est pas une horloge qui trotte, ni un passé qu’on se rappelle mais sa friction indépendante de toute chose existante finira par détruire les paradis que j’ai crée ? »

Il se  retira et médita pendant longtemps puis il fit venir à lui ses deux  fils bien aimés et leur dit :

«Après mures réflexions et conformément à un facteur indépendant de ma volonté, il se trouve que j’ai mis tous les êtres vivants dans une situation qui semble irréversible. J’ai donc décidé ceci : de rajouter à ma création un élément qui ne dépendra que d’eux et qu’ils appelleront évolution. Je les ferais à mon image dans un devenir possible par l’effort conscient et la souffrance volontaire. Vous, mes fils bien aimés entre tous, voici la mission que je vous confie.

Toi grand Ra, serviteur de la lumière, je te demande de leur apporter la soif d’être, le désir de la faire naître en soi, de former à travers les âge des envoyés d’En-Haut qui leurs donnerons les pratiques et les commandements adaptés à chaque temps, chaque race, chaque époque et qui eux-même formeront des disciples afin que la tradition divine traverse les âges et les temps.

Toi inimitable Belzébuth, je te confie la tâche difficile et périlleuse de créer le doute, la remise en question, la souffrance, la nuit, tout ce qui éloigne de ma lumière.

Je fais ceci car de la naissance du oui et du non, de sa friction intense naîtra la soif inextinguible, le désir profond de renaître par soi- même en cette troisième force sainte de conciliation que l’on appellera la conscience de Soi, le rappel de Soi, Le Dieu vivant de l’intérieur, l’Homme.

Qu’il en soit ainsi pour l’éternité... »

Il créa les lois conformes à cette évolution avec tous les paramètres qui s’y rapportent puis étendit sa main sur les univers et le vent de son amour infini les emporta sur les terres des hommes…  

 

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 Le nez rivé sur l’horizon de la vallée Raïta observait cette fumée qui s’élevait dans les hauteurs et qui avec la brise arrivait lentement jusqu'à la montagne. Son frère la serrait contre lui pour la protéger de l’inattendu. Quelques anciens étaient rassemblés. Ils avaient déjà vu ce phénomène lors des grands orages où la foudre enflamme la foret  balayant tout au passage. Mais leurs oreilles de chasseurs avisés s’inquiétaient d’autre chose. Derrière cette fumée, d’écho en écho, montait un murmure venant du même endroit…

 

Les hommes avaient capturé le feu !

 

Le conseil des anciens se réunit à la tombé de la nuit et le chef de la tribu prit aussitôt la parole :

 

« Depuis que nos yeux se sont ouverts nous avons déjà vu plusieurs fois le feu, la foudre, tous les dangers qu’ils entraînent, mais aujourd’hui nous devinons que les tribus des basses terres ont pu le fabriquer, l’utiliser. Cette nuit le sorcier ferra parler les oracles. Nous prendrons les décisions qui s’imposent pour le bien de tous »

 

Ayant entendu cela, les deux enfants espiègles se précipitent entre les pierres pour observer la magie du Chaman. Les yeux écarquillés, ils scrutent chacune de ses manipulations, chacun de ses mots magiques…

 

« Entrez, montrez-vous, écoutez ! Aucun phénomène extérieur n’existe qui ne trouve son relatif intérieur. Au cœur des hommes naîtra le feu, sa friction douloureuse pour le créer et toutes les souffrances qui l’accompagnent. Ce ciel passera et ceux qui le suivront aussi.. Les êtres ne trouveront pas le repos car ils chercheront dans leurs têtes ce qui avait toujours été là dans le cœur. Vous mes enfants nées le même jour, celui de la grande foudre aux saisons des pluies, vous chercherez l’étoile qui ne meurt pas et vit au centre de notre galaxie intérieure. Par delà la vie et la mort vous n’aurez de repos car la douleur sera votre chemin : votre force. Maintenant filez ! »

 

Ils partirent en courrant, se disant que ce vieux fou avait déjà passé plus de trente saisons chaudes, qu’il perdait l’esprit et que personne ne comprendrait  ce qu’il dit.

 

Le lendemain une expédition se mit en route. Amenossé en faisait fièrement partie.

 

A cette époque des premiers âges les hommes ne connaissaient ni guerre, ni violence. Ils s’harmonisaient aux nécessités de Dame Nature. Ils parlaient le langage des animaux et ne chassaient que par nécessité. Quand ils croisaient d’autres tribus, c’était l’occasion de fêtes, de cordiaux échanges. C’est dans cet esprit qu’ils partirent à la rencontre des hommes des basses terres.

 

Seul le Sorcier savait ce qu’il allait se passer que l’on ne pouvait empêcher. Sa vision englobait les siècles à venir. Il connaissait cette sensation au creux du ventre : c’était ainsi.  

 

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Oh Raïta ! Fille du soleil,

tu entends au fond de la vallée le cri de tes frères.

Ils chantent la mort qui les emporte.

Les larmes coulent sur tes joues.

Tu ne sais pas mais tu sens.

Tu ne vois pas mais tu sais.

Une fumée noire s’élève jusqu’au nuages blancs.

Ta bouche hurle la douleur.

D’un cri muet,

Ta gorge se sert…

Ton cœur innocent s’arrête de battre.

La couronne d’un paradis que tu n’as jamais quitté

S’enfonce dans l’ombre de la douleur.

Tu frappes la terre.

Sanglots de malédiction

Brûlent ton corps

Tes entrailles…

Le feu t’envahit

Plus tranchant que la lance du sorcier.

Oh! mon frère,

Par delà la mort,

Les étoiles,

Les univers,

Les souffrances,

J’irais te chercher.

Jamais je ne mourrais.

Mes yeux sont devenus de glace.

Mon cœur de la pierre.

Ce feu qui m’habite

Ne connaîtra jamais le repos…

 

 

Les saisons qui suivirent Raïta et sa tribu prirent les chemins nomades. Ils s’enfoncèrent de plus en plus dans les hautes terres.

 

Les cheveux blonds de l’innocence étaient devenus gris. Ses yeux rieurs d’enfant, creusés par les rides, brûlaient de douleur. Elle avait entendu parler de Kissé le vieux Chaman qui connaissait les secrets du temps, des étoiles, du cœur des hommes. Elle savait qu’elle le trouverait la haut où l’air est pur comme l’eau des torrents. Mais bien des saisons passèrent sans qu’elle puisse le rencontrer.

 

Au-delà des montagnes, les vallées d’émeraude chantaient la promesse d’un monde meilleur qu’il fallait rejoindre.

 

« Où va-tu Raïta ? Que cherches-tu ? »

 

« Mais qui êtes vous qui connaissez mon nom ? »

 

« Je suis celui que tu cherchais dans ta colère et que tu rencontre aux portes du renoncement »

 

« Tu es Kissé le sorcier ? »

 

« Ton cœur a quitté la haine et la douleur qui t’habite ont trouvé la soif, viens nous partagerons le chemin qui ouvre les portes ! »

 

Le vieux Chaman savait que le destin de cette enfant serait sans égal. Que le temps était venu de la préparer : l’essentiel devait être dit.

 

« Ma fille qui souffre au plus profond de ton cœur, as-tu oublié la tendresse qui habite les anges ?

Avant de chercher la moitié de ton âme, souviens-toi qui tu es ?

Qui cherche en toi ? Apaises ton corps fatigué, rends le pareil à la nature, à ses harmonies magiques. Tes questions deviendront force, tes réponses deviendront chemin »

 

Bien des saisons passées auprès de son vieux maître, elle le porta au bûcher du grand départ.

 

Cette fumée qui avait été douleur de sa douleur fit couler une larme sur sa joue. Du feu, de la souffrance était né l’espoir d’un autre amour…

 

Elle se fondit dans la montagne. Quand cette larme d’amour eut rejoint l’océan sans limite, son âme s’envola jusqu’aux étoiles…

   

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Les étoiles étaient là avant que nous naissions et serons là bien après. Certaines comme surgies du néant semblent plonger dans la terre. A peine nos yeux les ont-ils effleurées qu’elles ont disparue, laissant l’étrange souvenir de leurs traces dans nos mémoires profondes. Mais qui sont les dieux qui ont mis en route cette étrange danse et l’étonnement qu’elle procure ?